Partageux rencontre des personnes cabossées par notre société libérale, change leur identité et ne mentionne ni son nom, ni sa ville pour qu'on ne puisse les reconnaître. « Devant la servitude du travail à la chaîne ou la misère des bidonvilles, sans parler de la torture ou de la violence et des camps de concentration, le "c'est ainsi" que l'on peut prononcer avec Hegel devant les montagnes revêt la valeur d'une complicité criminelle. » (Pierre Bourdieu) La suite ici.

jeudi 13 septembre 2012

Maison, sucrée maison


1) C'est une maison de 1930 agrandie avant 1970. Un de ces vastes machins de l'époque où le mazout était gratuit. Plus de 220 mètres carrés habitables si on ne compte pas les vastes pièces mansardées. Six chambres et une salle de séjour de 60 mètres carrés. Un entresol de la taille d'un beau F3 pour le cas où les deux salles d'eau, la lingerie, les bureaux et les trois dressing roumes plus grands que des chambres parisiennes te paraîtraient insuffisants pour loger tout ton fourbi. 
La première fois que je l'ai vue sur un site d'annonces, son propriétaire en voulait 350 000 euros. Au fil des années le prix s'est amenuisé. Il vient de passer hier à 160 000 roros. Avant négociation parce que le propriétaire commence à perdre patience et on le sent mûr pour accepter une belle remise sur le prix demandé. 
Ça peut t'intéresser si tu as cinquante mille roros pour rafraîchir l'intérieur en retroussant tes manches — papiers peints, électricité et chauffage central plairont beaucoup aux antiquaires — et surtout si tu as aussi une bonne centaine de milliers de roros pour transformer cette passoire thermique en home douillet pas trop ruineux à chauffer... 
Je te sens en train de faire l'addition, d'ergoter, de pinailler, alors que cette maison est à dix minutes à pied de la préfecture de Région et que tu devrais sauter sur cette aubaine. Tu vas me rétorquer que, des aubaines comme ça, les sites d'annonces en sont pleins ras la gueule et qu'il faudra dix ans pour écluser le stock au rythme des ventes...
2) Après la mort de leur mère le copain et ses sœurs ont mis la maison en vente. C'est une vieille maison qui a besoin d'un bon coup de jeunesse. Faut aimer les papiers peints façon 1960. Ce n'est pas si éloigné de la ville, mais bon, c'est en campagne. 
— Mise en vente à 70 000 euros et ça nous paraissait raisonnable. Aussitôt nous avons eu une offre à 40 000 euros. Que nous avons refusée en nous disant : on veut la vendre, on ne veut pas la donner quand même ! Ce qui nous inquiète, c'est qu'on n'a pas eu une seule autre offre depuis. 
— Ça fait maintenant quatre ans qu'on attend... La maison n'a pas pris de qualité. Tu verrais ça ! Les papiers peints se décollent avec l'humidité, il y a des auréoles aux murs et aux plafonds à la suite d'une fuite de la toiture qu'on n'a pas vue immédiatement... Ça donne pas envie ! Ma sœur en a marre d'aller tondre la pelouse et ouvrir les fenêtres pour aérer. J'en ai marre d'aller faire les réparations. Un jour, c'est la toiture qui fuit, un autre jour, la robinetterie qui a claqué avec le gel, une autre fois, un arbre qui a été couché par une bourrasque. C'est sans fin ! Aujourd'hui, si quelqu'un nous en proposait 30 000 euros, on dirait oui tout de suite. Mais on n'a même pas de visites...  
3) Coucou la revoilà ! Elle était à vendre de particulier à particulier. La dame en voulait 250 000 euros et y'avait rien à négocier. En bon voisin pédagogue je lui avais dit gentiment que c'était trèèèèèèèèès au dessus des prix locaux. Surtout que la facture des travaux à prévoir pour cette maison va être salée et que, ça, le couillon qui ne le voit pas au premier coup d'œil n'est pas encore né... 
Après quelques mois le panneau sur la façade a disparu. Et je retrouve la maison aujourd'hui, toujours à vendre, entre les mains d'une agence. Deux ans plus tard le prix demandé a baissé de 90 000 roros. Un rien ! Une poignée de carambars, quoi ! Mais, comme entre-temps les prix locaux ont salement morflé, la maison reste toujours trèèèèèèèèès chère.
4) Elle a acheté l'appartement voisin du nôtre il y a maintenant cinq ans. Elle avait alors visité une vingtaine d'appartements. Dont une bonne demi-douzaine sont toujours à vendre. Home, sweet home. Maison, sucrée maison. 
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« J' suis heureux » de et par Jacques Debronckart. Ça date de 1970 mais ça reste d'actualité puisqu'il chante « mon logement qui prend tous les jours de la valeur. »  
   

3 commentaires:

  1. Une retraitée pas riche ne peut plus payer son loyer. En 2005 elle achète une maison dans le Centre de la France. C'est le moment où l'immobilier monte. Elle achète au plus haut. Elle a droit au prêt à 0 %, son remboursement est moins cher que le loyer. Mais la maison fuit de partout. Le sol se couvre d'eau à chaque pluie. Il y fait frais même par 35* dehors. La chauffer…au bois elle est chaude 3 heures par jour à plein rendement. Il faut la revendre, surtout qu'elle a appris que dans une ville voisine elle peut avoir un HLM facilement, prioritaire. Coup de bol elle reçoit un petit héritage qui va lui permettre de payer son déménagement. Mais la maison personne n'en veut. Elle fait du charme à tous les visiteurs, baisse le prix. Heureusement qu'elle a reçu son petit héritage pour compenser la perte qu'elle va devoir compenser au remboursement du prêt de banque. 3 ans plus tard elle finit par la vendre à une qui est nommée en Service public à coté.
    Maintenant dans son HLM bien isolé, bien chauffé, elle pense souvent à celle à qui elle a vendu, elle se sent coupable. Mais ouf quand même… . Vol entre pauvres.

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  2. Pas de place pour la débrouille individuelle contrairement à la chanson-scie qu'on nous serine. C'est ensemble qu'il faut se battre. C'est ensemble qu'il faut construire des logements de bonne qualité. C'est ensemble qu'il faut obtenir le logement gratuit. Gratuit. Ce n'est pas farfelu ou alors il faut penser que l'instruction gratuite des gosses, surtout des gosses de paysans et d'ouvriers, c'était farfelu... Et pourtant ça coûte un bras d'enseigner à un gamin comment lire, écrire, compter et réfléchir.

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  3. Bon, la bulle immobilière est raplapla... ça me fait penser à la maison de ma grand-mère, invendue depuis six mois...

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