Partageux rencontre des personnes cabossées par notre société libérale, change leur identité et ne mentionne ni son nom, ni sa ville pour qu'on ne puisse les reconnaître. « Devant la servitude du travail à la chaîne ou la misère des bidonvilles, sans parler de la torture ou de la violence et des camps de concentration, le "c'est ainsi" que l'on peut prononcer avec Hegel devant les montagnes revêt la valeur d'une complicité criminelle. » (Pierre Bourdieu) La suite ici.

lundi 17 décembre 2012

Assises pour l'écosocialisme (1)


Le gosse s'est affaissé sur lui-même. Comme aspiré par la terre. Ses jambes ne le portent plus. L'institutrice a la peur de sa vie en prenant dans ses bras un petit bonhomme inconscient. Un instant elle le croit mort. Faut dire que la maîtresse est assez émotive.
C'est plus tard que l'on comprendra. Le gamin n'avait rien mangé ce jour-là et ne mangeait pas assez depuis... trop longtemps. 
— Mais tu n'avais rien remarqué avant ?  
— Tu sais, en début d'année scolaire, on est occupés à faire connaissance avec les nouveaux et à calmer les turbulents, attentifs à ceux qui n'ont pas le niveau et à ceux qui peinent à suivre. En plus j'en ai eu un que je surveillais de près et pour qui on a fini par faire un signalement parce qu'il portait souvent des traces de coups. Alors lo pichon qui ne mangeait pas assez, lui, calme et assez bon élève, il ne se faisait pas remarquer et j'avoue que je n'ai rien vu.
Les Assises pour l'écosocialisme n'étaient pas une grand-messe où l'on écoute en silence des textes sacrés tirés d'un livre péremptoire. Le débat, bien que toujours courtois, a montré de réelles divergences de vue. Ainsi nous avons entendu que, dans les rangs du Parti de gauche, l'extension de la gratuité n'est pas encore consensuelle. 
Paul Ariès est un avocat fougueux de la gratuité et son intervention aux assises via une vidéo enregistrée a été fort remarquée. D'autres interventions ont aussi promu cette idée fondamentale : sortir des biens et services de la sphère marchande par la gratuité. 
Puisque l'on a pu débattre sans s'envoyer des noms d'oiseaux à la tête, j'ajoute mon grain de sel à la discussion sans suspecter de quelque turpitude inavouable ceux de nos camarades qui traînent les pieds quand on aborde l'extension de la gratuité. Et puis, tiens, soyons généreux, j'ajoute à ces camarades avec qui nous partageons par ailleurs nombre d'idées, d'autres paroissiens que j'aimerais convaincre même si leur conversion semble bien hypothétique. Ce sont les laudateurs d'un libéralisme miraculeux qui guérirait absolument toutes les plaies et bosses à coups de tonfa magique. Ce libéralisme qui, comme la ligne d'horizon, semble toujours reculer au fur et à mesure de la fuite en avant dans sa direction... 
La cantine gratuite pour tous les gosses dans toutes les écoles. Qui pourrait être contre une telle mesure ? Est-ce que manger à sa faim, ça se mérite ? Un gosse doit-il mériter son repas ? Un gosse est-il responsable des difficultés —  économiques ou autres — de ses parents ? Peut-on punir un gosse — tu seras privé de repas ! — parce que ses parents ont fait ou n'ont pas fait ceci ou cela ? Et, question fondamentale, peut-on demander une quelconque contrepartie à un gosse en échange de son repas ?
La cantine gratuite, de la maternelle à l'université, permet de s'interroger sur la gratuité sans tortiller du cul. Qui prétendra que l'on peut faire payer à un gosse les choix de ses parents ? Et ma question reste boiteuse : peut-on parler de choix quand la ligne d'horizon est la survie au jour le jour ? 
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La complainte des terr'-neuvas, chanson de Gaston Coûté mise en musique par Marc Robine, chantée par icelui  et Gérard Pierron.

14 commentaires:

  1. Ce qui n'empêche pas le gouvernement de faire une politique nataliste, par ailleurs. Cherchez l'erreur.

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  2. Je ne sais pas comment c'est par chez vous, mais dans mon coin le prix du ticket repas dans les écoles publiques est fonction des revenus familiaux. Il y a des enfants pour lesquels c'est moins d'un Euro.

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  3. Les tarifs dégressifs méritent souvent une analyse fouillée. Dans ma ville il descendent très bas et la mairie ne manque jamais une occasion de le souligner. Mais c'est du côté des bases de calcul qu'il faut regarder de près. Une mère seule avec un enfant à charge percevant un salaire mensuel de 1 100 euros paie plein tarif. Et près de six euros chaque jour, 120 euros mensuels, font déjà un joli trou dans un tel budget...

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  4. Oui, mais si elle a deux ou trois enfants ?
    (un smicard seul avec un enfant à charge n'a droit à rien). Sinon, six euros par repas, oui, il faut les sortir.

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  5. très joli billet. Après la gratuité, il faudra se pencher sur la qualité et, notamment, la privatisation des cantines scolaires. Autre honte.

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  6. Tiens, Juan chez "le partageux" alors que ce dernier a publié un article intitulé "Le péril Rom" pour dénoncer les agissements du PS à leur endroit C'est surprenant pour quelqu'un qui trouve qu'expulser les Roms sous Sarko c'est mal et sous les socialistes, c'est bien ! Et si l'un de ces petits enfants qui tournent de l'oeil parce qu'il crève de faim était un petit Rom... Serait-ce encore grave à tes yeux ?

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  7. Allons, on ne va pas se piler la gueule même si on peut avoir des divergences... Tiens Sarkofrance vient de publier un excellent billet sur le thème d ela fraude fiscale et du manque de contrôle fiscal. On y apprend notamment que le nombre de contrôleur a diminué de façons gigantesque. C'est ici :

    http://bit.ly/UN6mxD

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  8. Bonjour la compagnie, gratuit, oui, pour ceux qui sont défavorisés ou alors une somme sympbolique d' 1 euro ! mais pour ceux qui ont du blé, il n'y a pas de raison qu'ils ne paient pas ! 4 euros, voir moins c'est possible !

    Le problème de la privatisation des cantines scolaires, n'est pas un bon truc !

    Tout cela, se passe comme ça, hélas, dans ce que l'on appelle les restaurants administratifs ! mais, nous pouvons manger raisonnablement pour 4 euros, alors, c'est possible, largement possible pour les enfants ! super pour Gaston COUTE ! c'est une belle idée qui colle bien au sujet !

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    1. Salut Marco,

      — Un euro, on peut penser que c'est symbolique. Mais 20 euros par mois ça ne l'est plus quand ton budget mensuel est de 430 euros (montant moyen effectif du RSA). Quand on a à peu près de quoi vivre, on tend toujours à oublier combien un budget très contraint ne permet pas le moindre écart...

      — "Pour ceux qui ont du blé, il n'y a pas de raison qu'ils ne paient pas !" Là on est au cœur du débat sur la gratuité. Avec ton raisonnement, l'école devrait facturer les cours aux parents des élèves. C'est ce qui se faisait avant l'école obligatoire. En créant l'obligation scolaire, le législateur a aussi décidé qu'il ne fallait pas différencier les familles entre celles qui pouvaient et celles qui ne pouvaient pas payer. Le législateur a décidé alors de sortir l'enseignement du domaine marchand. On peut décider, c'est un choix politique, de sortir d'autres secteurs du domaine marchand.

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  9. tout cela n'est que supposition, ton raisonnement est juste, je ne fais que suggerer ! mon raisonnement, je n'ai rien affiné ! oui, l'enseignement doit rester gratuit ! bien évidemment !

    Bien sur la marchandisation et ses outrances, il faut en sortir, mais comment ?

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    1. Je n'ai fait que reprendre amicalement ton argumentation pour la replacer dans un secteur où on trouve peu de gens opposés à une gratuité qui va de soi... aujourd'hui. Et tu vois ainsi comment ça marche.

      Comment sortir un secteur du domaine marchand en le rendant gratuit ? Par la volonté politique. C'est cette volonté qui a permis de rendre obligatoire et gratuit l'enseignement pour tous. Pourtant, à l'époque, un tel changement coûtait brutalement la peau des roubignolles au budget du pays ! La droite hurlait que l'on jetait l'argent par les fenêtres. Il y avait une opposition multiforme et farouche !

      C'est cette volonté politique et collective qui nous permettra de soustraire de nouveaux secteurs à la rapacité et à la cupidité. J'ai pris la cantine comme exemple d'une part parce que, dans la vie réelle, mon instit était désemparée en me racontant cette anecdote et se demandait comment résoudre le problème de fond. Et d'autre part parce qu'on ne trouvera pas beaucoup d'opposants pour dire qu'un repas chaud, suffisant et équilibré n'est pas indispensable à un écolier. C'est le côté pédagogique : pour faire avancer les idées il faut parfois trouver le bon exemple qui ne va pas heurter de front la majorité de nos concitoyens.

      Comment avancer ? Une municipalité peut prendre la gestion de sa distribution d'eau potable. Peut décider que les premiers litres/jour sont gratuits. Peut décider qu'au delà d'un volume annuel/personne on est dans le gaspillage et que l'on facture à prix prohibitif pour dissuader ce gaspillage. Naguère des municipalités communistes ont créé des colonies de vacances pour les gosses, des "vacances économiques" pour les familles, des piscines municipales, des salles et de terrains de sport, etc. Une kyrielle de services gratuits ou presque gratuits qui sont devenus des normes et dont plus personne ne songe aujourd'hui qu'ils étaient privés, très chers et réservés à la grande bourgeoisie. On a besoin de municipalités innovantes. À nouveau.

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  10. à souligner aussi et je ne me souviens plus quelle ville a adopté la gratuité des transports et cela se passe bien ! donc oui tout est possible, mais en osant une politique innovatrice et de vraie gauche sociale, qui se démarque de cette doctrine cruelle du libéralisme à outrance !

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    1. Transports publics gratuits : Aubagne (13) municipalité communiste. Par choix politique. Mais aussi Châteauroux (36) municipalité de droite. Par choix économique. Tout simplement parce que tout, absolument tout bien compté, ça coûte moins cher aux finances communales !

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Vas-y pour tes bisous partageux sur le museau !