Partageux rencontre des personnes cabossées par notre société libérale, change leur identité et ne mentionne ni son nom, ni sa ville pour qu'on ne puisse les reconnaître. « Devant la servitude du travail à la chaîne ou la misère des bidonvilles, sans parler de la torture ou de la violence et des camps de concentration, le "c'est ainsi" que l'on peut prononcer avec Hegel devant les montagnes revêt la valeur d'une complicité criminelle. » (Pierre Bourdieu) La suite ici.

lundi 9 septembre 2013

Bourrage de crânes version 342.0


4 août 1914. Une certitude. La guerre va être brève. Une question de jours ou de semaines. On va rentrer à la maison après avoir cassé la gueule aux Pruscos. « À Berlin ! » disent les graffitis sur les trains. Fleurs aux fusils. Fêtes dans les gares. Jean Giono, qui raconte son enfance émerveillée dans Jean le Bleu, termine son récit avec une dernière phrase qui laisse songeur le lecteur qui connaît la suite : « Il me fut facile de partir à la guerre sans grand émoi, tout simplement parce que j'étais jeune et que, sur tous les jeunes hommes, on faisait souffler un vent qui sentait la voile de mer et le pirate. » 

Dès le 24 août Poincaré écrit dans son journal : «  Où sont les illusions dont on nous a nourris depuis quinze jours ? Désormais, le salut ne peut plus être que dans la durée de notre résistance. » À la fin du mois d'août la France pleure déjà quatre-vingt mille morts. Et l'abattoir va usiner encore plus de quatre années.

Inattendu ?

En 1911, Jean Jaurès, qui n'est pas militaire et qui n'a donc pas compétence pour causer de la chose, entretient son auditoire de Buenos-Aires en Argentine sur l'éventualité d'une guerre en Europe. Trois années avant le début de la Grande Boucherie, sa description de la guerre est rudement conforme à ce qu'il adviendra. Très éloignée de toutes les prévisions en culottes de peau et de toutes les stratégies des journaux bourrage de crânes.

« Et n'imaginez pas que la guerre de demain serait une guerre courte où quelques coups suffiraient à battre le rival. N'imaginez pas que le vainqueur se contenterait des lauriers d'une victoire rapide et que le vaincu se sentirait écrasé par la stupeur d'une défaite subite. Non. Dans la situation où se trouvent les forces militaires européennes, pas un seul peuple n'est en mesure d'obtenir une victoire facile. La guerre de demain serait livrée par de formidables masses d'hommes. […] 

Des millions d'hommes affronteraient donc des millions d'hommes, et les manœuvres foudroyantes qui détruisent l'adversaire, matériellement et moralement, seraient impossibles. […] 

La lenteur des opérations de la guerre russo-japonaise dit bien la lenteur d'une possible guerre européenne. De plus, les instruments de destruction sont si puissants que les armées, avant le combat, creusent des tranchées, se mettant à l'abri du terrain. La guerre ne connaîtrait pas ces mouvements rapides de colonnes, ces manœuvres d'encerclement, mais elle serait une double guerre de positions, une lutte entre deux grandes foules humaines qui essaieraient d'agir avec la plus grande prudence, profitant des erreurs et des défaillances de l'adversaire. »

Aujourd'hui il s'agit d'aller semer la mort, pardon, d'établir la démocratie, dans la malheureuse Syrie. Et le lobby militaro-médiatico-industriel de nous dire que ça sera vite fait sur le gaz. [Partageux, si tu pouvais éviter les mots gaz ou pétrole, ça fait mauvais genre, on veut rien qu'à exporter la démocratie…] Et le lobby militaro-médiatico-industriel de nous dire que ça sera si tellement génial avec les fleurs et les fêtes et les flonflons du bal. Exactement comme le lobby militaro-machin nous le disait en 1914. 

J'avoue. Et pas la peine de me soumettre à la question pour ça. Moi l'athée, j'écoute plus volontiers les voix discordantes que tous les prêches de l'archevêque Obama, les sermons de l'évêque Hollande et les cantiques de la myriade des curés, moinillons et sacristains qui nous disent qu'il faudrait croire que, touchés par la grâce divine, ils seraient tout soudainement désintéressés. Au milieu des champs de pétrole. Devant le gazoduc.
——— 

Photo Des pas perdus. En écho à mon topo on lira mon copain le Yéti qui décortique l'immuable stratagème bourrage de crâne. 

Marc Ogeret interprète La chanson de Craonne. En 1917 l'état-major aurait volontiers fusillé son ou plutôt ses auteurs anonymes. Une frappe chirurgicale comme l'aurait dit une autre version du bourrage de crânes...

3 commentaires:

  1. Merci pour citer Giono , si près de la terre , des paysans , de notre mère-père-Terre - Ces misérables guerres qui ne sont que des enculades de fous de pouvoirs - Bien sûr que nous les enculerons à leur tour ( beurk , je voudrais m^me pas m ' y essayer !! )- Mais continuons nos luttes : il nous faut arriver à ce que nous voulons !! Ah , comme je vous aime toutes et tous ! - LovE -

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  2. http://www.youtube.com/watch?v=Jny2MspNDa4



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  3. Je te conseille de revoir l'émission ce soir ou jamais de la semaine dernière consacrée à la Syrie. Parmi les invités, un certains Mr COllon, journaliste spécialisé dans l'étude de la propagande de guerre, farouchement opposé à la guerre en Syrie. Il explique les 5 élèment qui précédent toujours toute propagande guerrière. C'est édifiant et c'est très juste.
    PS : merci pour cette magnifique chanson au texte formidable et qu'on devrai enseigner dans toutes les écoles.

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Vas-y pour tes bisous partageux sur le museau !