Partageux rencontre des personnes cabossées par notre société libérale, change leur identité et ne mentionne ni son nom, ni sa ville pour qu'on ne puisse les reconnaître. « Devant la servitude du travail à la chaîne ou la misère des bidonvilles, sans parler de la torture ou de la violence et des camps de concentration, le "c'est ainsi" que l'on peut prononcer avec Hegel devant les montagnes revêt la valeur d'une complicité criminelle. » (Pierre Bourdieu) La suite ici.

vendredi 15 novembre 2013

Lebrac, c'est pas bien, tu fais honte aux pauvres !


Très longue queue devant le Resto du cœur de mon quartier. Les gens sont là, alignés sur le trottoir, parce que le hangar n'est pas assez grand pour les accueillir. La queue est toujours aussi longue, mais ce ne sont plus les mêmes personnes, quand je passe à nouveau dix minutes plus tard. Les bénévoles, très organisés, bossent vite pour que le temps d'attente soit très court. Mais la clientèle est si nombreuse...

En voyant les « bénéficiaires » du Resto lors de mes deux passages, une remarque me vient à l'esprit. Hormis une punkette aux cheveux mi-rasés mi-tressés mauves, vêtue à la six-quatre-deux, tous portent des vêtements de bon aloi. 

Quand j'étais gosse, les mères avaient le chic pour passer les vêtements d'un gosse à l'autre, du grand frère au petit puis du voisin au cousin. C'était la fin d'une époque où on voyait beaucoup de vêtements qui avaient été reprisés, rapiécés, ravaudés pour « faire encore de l'usage » ou pour « durer encore un peu » comme disaient nos mères. Bon, on avait vraiment pas l'air rupins avec nos chaussettes reprisées en tire-bouchon ou nos pièces multiples aux genoux et aux coudes sur des vêtements aux couleurs fanées qui avaient été portés par des générations de gosses.

La clientèle du Resto est bien sapée. Les aiguilles à coudre ont cédé la place à une autre débrouille. Tous se refilent le tuyau et tous vont acheter leurs fringues au Secours populaire, à Emmaüs ou bien à l'Association des paralysés de France. Pour un euro ou moins tu y trouves la chemise affichée à vingt ou cinquante euros dans un magasin. Parfois l'étiquette du magasin d'origine n'a même pas été enlevée… 

Eh bien tout le monde va dans ces boutiques, et sans raser les murs, parce que personne ne demande « une pièce justificative » à l'entrée. 

Quand Partageuse fouine à la recherche de trucs pour Partageux junior le Terminator de fringues, elle y rencontre une copine enseignante qui ne veut pas « subventionner les marchands », un salarié qui « refuse de jeter l'argent par les fenêtres » ou une esthète qui vient chiner la brocante parmi tous ceux qui ne pourraient se vêtir ailleurs à plus cher. Et tous se sentent à l'aise parce que c'est ouvert à tous aux mêmes conditions. Ou plutôt à la même absence de condition de ressources. L'égalité c'est la dignité. 

Pas besoin de demander : la gratuité pour tous, c'est la dignité. Aux camarades qui n'acceptent la gratuité que « sous conditions de ressources » rappelons La guerre des boutons de Louis Pergaud. « Lebrac, c'est pas bien, tu fais honte aux pauvres ! » 

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Photo gratuite Des pas perdus de la Tour Paris 13.

La Suisse, ses spécialités : chocolat, multinationales et exilés fiscaux. Et aussi chanteurs qui méritent d'être écoutés. Tout ce qui ne me tue pas me rend plus fort, une chanson sauvage de Pascal Rinaldi ici chantée par Thierry Romanens, sans sa mandoline habituelle, mais accompagné à la guitare par Pascal Rinaldi. 




5 commentaires:

  1. Mais Grand GIbus ajoutait "... et ça, c'est pas républicain!", parce que Lebrac prétendait que tous devaient payer la même somme précisément au nom de l'égalité républicaine...

    (Coïncidence, je me suis tout de suite rappelé cette citation lorsque j'ai entendu Mélenchon l'autre jour déclarer à la radio que "on ne se trompe jamais quand on choisit le camp des pauvres".)

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    1. Mais pourquoi commencer ta phrase par un "mais" qui semble une opposition alors que tu apportes un complément ? ;o)

      Et oui bien sûr, tu as raison, c'est ainsi, par le dialogue, que notre belle équipe invente l'impôt progressif.

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  2. Oui, globalement, tu as raison, car pour aller aux restos, faut des justificatifs de "pauvreté", en France, et aller voir une assistante sociale, j'ai vu dans un reportage que maintenant,c'est comme ça...il y a toujours la dignité du plus pauvre et l' humiliation de certaines associations, si tu comprends ce que je veux dire. Chez Emmaüs, certaines épiceries solidaires, si tout le monde peut venir, le pauvre n' est pas humilié d'être là. Car la ségrégation sociale c'est aussi ça.
    Je découvre ton blog seulement maintenant mais avec plaisir, il faut que je m' abonne,maintenant,tiens.

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    1. L'humiliation. Ce mot est très important. Et je cherche à faire comprendre à nos camarades qui sont loin de la pauvreté combien il est difficile de vivre l'humiliation. On voit des gens mourir plutôt que d'accepter une humiliation de trop.

      Et j'ai parfois beaucoup d'aigreur quand j'entends des gens se draper dans leur splendeur pour causer de "république", de "vivre ensemble" ou de "laïcité" tout en condamnant les pauvres à la mendicité.

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    2. Le manque d'empathie tue, effectivement. Je crois qu'on a des valeurs communes. Abonnée sur feedly!

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Vas-y pour tes bisous partageux sur le museau !