Partageux rencontre des personnes cabossées par notre société libérale, change leur identité et ne mentionne ni son nom, ni sa ville pour qu'on ne puisse les reconnaître. « Devant la servitude du travail à la chaîne ou la misère des bidonvilles, sans parler de la torture ou de la violence et des camps de concentration, le "c'est ainsi" que l'on peut prononcer avec Hegel devant les montagnes revêt la valeur d'une complicité criminelle. » (Pierre Bourdieu) La suite ici.

vendredi 3 octobre 2014

« L'écologie, ça commence à bien faire ! » (Ter)

La gauche fonce dans le mur en chantant toujours les mêmes cantiques 10/
Je t’ai raconté mon étonnement de voir une seule abeille butiner les tapis de fleurs mellifères de mon jardin et la quasi-disparition des sauterelles des champs de mon enfance. 

Une seule virée entre chien et loup m’imposait de laver un pare-brise maculé de bestioles écrabouillées. Ça, c’était avant le déluge… Aujourd’hui laver ma voiture une fois l'an est suffisant et elle présente plus de restes d’hydrocarbures que de moustiques et papillons.

Quand j’étais gosse on prenait grand soin la nuit venue de ne pas ouvrir les fenêtres avec l’éclairage intérieur allumé. Faute de quoi des nuées de bêtes bourdonnantes envahissaient les maisons et se faisaient souvent rôtir sur les ampoules brûlantes. Hier soir, fenêtres ouvertes et loupiotes plein feu, j’ai vu deux moustiques dans la cabane et c’était la première fois depuis un an que j’y habite.

J’ai repeint mes plafonds. Onze ans plus tard, lors de mon départ, ils ne présentent pas une chiure de mouche. Les mouches ne sont plus que le lointain souvenir de nuées horripilantes qui interdisaient toute sieste estivale sous les arbres. 

Parfois j’ai l’impression d'être un vieillard chenu qui radote. Je préfère pourtant te raconter des anecdotes personnelles plutôt que de citer les rapports scientifiques qui disent la même chose. La vie sauvage disparaît. À toute vibure. Pas besoin d’être grand prophète pour imaginer l'avenir de l’humanité en impasse qui en découle. Même si on éprouve de la misère à prédire ce que sera l’impasse.

Cancer, diabète, allergies, autisme, Alzheimer, obésité, stérilité et quantité d’autres joyeusetés. La chimie a une influence certaine sur la santé humaine alors qu'on peine souvent à déterminer et mesurer l’action spécifique de chaque produit.

Bon, on comprend le raisonnement étroit de ceux pour qui la seule chose qui compte est le profit. Rien à foutre de ce qui ne rapporte pas dividendes et bénéfices. Laissons-les à leurs œillères. Ils nous vendront le cercueil pour les enterrer...

Ce qui difficile à comprendre, c’est que la gauche se désintéresse de cette catastrophe. On a une gauche qui ne veut pas voir. Celle qui bla-bla-bla. Celle qui repousse aux calendes grecques. Celle qui n’en branle pas une. Celle qui est incapable de dire « non » aux réseaux d’intérêt. Celle qui est incapable d’arrêter le massacre. 

Insoucieuse du sort de 70% ou 80% de la population — ceux qui n’ont que leur force de travail pour vivre et se prennent en pleine poire une lutte des classes conduite par les riches — la gauche est aussi nulle pour défendre l’humanité contre l’emprise de l’industrie chimique. Aussi nulle pour s’opposer aux riches et à la finance que pour enrayer la fin annoncée de l’humanité. Côté écologie les Verts se sont déclarés d’inutilité publique. Comment comprendre cela ? Qui, même député ou ministre ou énarque ou plein aux as, n’est pas touché, dans sa famille ou ses proches, par toutes ces maladies liées à la chimie envahissante ? 

Encore plus décourageant, on voit même une partie de la gauche hurler parfois avec la meute. Ce crève-cœur de voir la Confédération Paysanne faire cause commune avec la FNSEA pour tuer une poignée de loups. Ce crève-cœur de voir le Parti communiste et la CGT faire front commun avec Westinghouse, le magnat américain de la technologie nucléaire qui a vendu à prix d’or les licences de « nos » centrales. 

Comprends bien que je ne tape pas sur les militants dévoués et souvent admirables — je sais combien mes mots pourraient les blesser — mais sur des structures qui semblent déconnectées. Je te causais voici peu de l’absence de sens. Nous pourrions imaginer un mouvement social porteur de ce grand dessein qu’est la sauvegarde de la beauté — de la libellule au loup et à l’ours — et la sauvegarde d’une humanité aujourd’hui menacée d’extinction comme le tigre ou l'éléphant.

Rêvons qu’un jour le mouvement social décide d’en finir avec son impuissance et les branlées électorales subséquentes. Et, en attendant cette hypothétique transformation, ne nous étonnons pas trop des branlées.
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Lire Un empoisonnement universel (Comment les produits chimiques ont envahi la planète) de Fabrice Nicolino, aux éditions Les liens qui libèrent. Je suis plongé dedans et c'est du beau boulot de véritable journaliste.

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Fred Alpi, L'heure bleue. Fred Alpi a écrit nombre de chansons militantes. Franco-suédois, il a notamment écrit sur Joe Hill, militant syndicaliste suédois exécuté aux USA resté dans la mémoire ouvrière. Pete Seeger et Joan Baez ont chanté Joe Hill.

3 commentaires:

  1. Difficile de faire un commentaire pertinent quand on est entièrement d'accord avec ce qui est dit, et qu'on n'a rien à y ajouter.

    La gauche fonce dans le mur en chantant toujours les mêmes cantiques, ceux qui descendent du véhicule sont considérés comme des inadaptés, des hurluberlus ou, dans le meilleur des cas, des originaux, ceux qui préviennent qu'il y a un mur sont des pessimistes inconscients, des déclinistes qui ne savent pas que la science, la technologie vont pulvériser le mur, s'il y en a vraiment un…

    Et à droite, c'est pire. Aux USA, la droite considère carrément le réchauffement global comme un complot de la gauche pour abattre le capitalisme (comme si la gauche américaine en avait la moindre intention. Comme si même on pouvait parler d'une gauche américaine). Naomi Klein explique ça d'une façon intéressante dans son dernier bouquin.

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    1. Eh ben, si tu trouves difficile de faire une commentaire pertinent, tu y réussis vachement bien ! Ton troisième paragraphe brosse un bon tableau des USA. Et ton deuxième paragraphe est tout simplement excellent !

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  2. J'ai des doutes quant à l'influence humaine sur le changement climatique.De semblables changements climatiques se sont produits précédemment. Des phénomènes naturels comme l'influence de la couverture nuageuse ont été écartés par le GIEC. Si bien qu'on peut soupçonner les capitalistes de nous refourguer de nouveaux produits, écolos bien entendu.

    Ceci étant dit, l'influence de l'homme est néfaste pour la faune et la flore. Et, les ressources naturelles sont limitées. Deux bonnes raisons de changer de modèle économique.

    Si l'écologie est si peu portée par la gauche, c'est probablement parce que les écolos ont oublié de lier écologie et social.

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