Partageux rencontre des personnes cabossées par notre société libérale, change leur identité et ne mentionne ni son nom, ni sa ville pour qu'on ne puisse les reconnaître. « Devant la servitude du travail à la chaîne ou la misère des bidonvilles, sans parler de la torture ou de la violence et des camps de concentration, le "c'est ainsi" que l'on peut prononcer avec Hegel devant les montagnes revêt la valeur d'une complicité criminelle. » (Pierre Bourdieu) La suite ici.

jeudi 12 novembre 2015

On ne pourra pas dire qu'on ne savait pas

Lesbos. Une île grecque où arrivent des réfugiés. Le photographe travaille pour l’AFP. Je te mets quelques unes de ses photos et quelques bouts de son texte. Tu iras consulter le reste sur le site de l’AFP.
Les bébés, c'est ce qui me touche le plus. Peut-être parce que j'ai une fille de six mois. Mon pire souvenir jusqu'à maintenant, c'est lors du dernier gros naufrage, quand je suis allé au port, qu'ils ramenaient les premiers bébés qui s'étaient noyés et qu'ils essayaient de les ranimer.
Ce qui est terrible aussi, ce sont les sons. Quelque chose qu’on ne peut pas saisir en regardant les photos. La panique. On entend les gens hurler en essayant d’atteindre le rivage. Les habitants essaient de les aider. Il y a de la douleur partout. La panique. La panique totale.

Il y a quelques jours, j'ai transporté le corps d'un bébé pendant des heures. On avait crapahuté avec des collègues jusqu'à une plage assez éloignée et rocheuse. C'était impossible à atteindre, il fallait escalader des tas de rochers et de falaises pour arriver là. Et quand nous y avons été, nous avons vu ce bébé, couché dans les rochers. Il était là depuis quelques jours, il commençait à y avoir une odeur. Tout seul dans les rochers.

On a décidé de le ramener. Alors on l'a mis dans un sac et on a remonté la falaise avec, pour qu'il puisse au moins être enterré.
Personne ne me l'a jamais dit en face, mais parfois je sens comme un non-dit de la part de certains collègues, quand je pose mon appareil et que je commence à aider. Que je ne devrais pas faire cela, parce que ce n'est pas mon travail, et que je vais peut-être rater une bonne image.
Aris Messinis est responsable photo de l'AFP en Grèce. C'est lui sur la photo avec un bébé sur un bras et l'appareil photo dans l'autre main.

Il faut que le monde entier voie cela. Ca ne va pas s'arrêter. Ils vont continuer à arriver, en risquant tout. La météo ne va pas tarder à s'aggraver, et ça va devenir bien pire avec l'hiver. Peut-être que si on continue à montrer ces images, quelque chose changera. C'est mon espoir. 

Les camps d’extermination des nazis, le citoyen lambda de Machin-en-Bocage pouvait dire qu’il ne savait pas. Mais là, on a des photos chaque jour, des reportages chaque jour, des coups de gueule d’organisations chaque jour. Des personnes qui écrivent, photographient, manifestent, hurlent, bloguent, réseaux-socialisentbarbouillent les murs, donnent des tentes et des couvertures, distribuent de la soupe. Non. On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas.
———
Que faut-il te dire ? Jean-Marc Le Bihan.

7 commentaires:

  1. C'est révoltant, mais dans l'Ordre (Mondial) des choses qu'on fait gober aux gogos, haine et propagande à l'appui. Un naufrage moral !

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    1. Pour le naufrage moral je suis d'accord. Mais la responsabilité morale en incombe d'abord à nos gouvernants et à leurs media propagateurs de haine. Ce sont eux qui seront jugés au prochain procès de Nuremberg. Pas la piétaille des égoïsmes même si elle me révulse.

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  2. Ce billet merite une publication sur tous les réseaux sociaux pour monter l horreur du crime de nos maitres. Nos gouvernements d abord qui sont complices de ces ultra riches qui mènent le monde a sa perte. Ne nous croyons pas a l abri ce sera peut-être nous demain

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    1. L'horreur du crime de nos maîtres. Oui. C'est une honte complète. Et on ose même traîner en justice un brave type pour avoir voulu sauver une gamine de la mort lente dans un camp innommable à Calais ! Les fauxcialistes ne nous auront rien épargner.

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  3. C'est l'histoire des trois singes, un qui ne voit pas, un qui n'entend pas et l'autre qui ne dit pas

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    1. Et c'est ainsi pour toutes les questions qui se posent... Chômage, précarité, pauvreté, chimie envahissante, chimères végétales, sans logis, sans chauffage, etc. Une méthode de gouvernement : toujours laisser pourrir la situation et même attaquer ceux qui retroussent leurs manches. Le cynisme érigé en méthode globale.

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